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Page:Jules Verne - L’Île mystérieuse.djvu/207

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les naufragés de l’air.

l’île, tels seraient les deux projets importants à exécuter pendant la belle saison.

En conséquence, et en vue de ces établissements futurs, il devenait donc urgent de pousser une reconnaissance dans toute la partie ignorée de l’île Lincoln, c’est-à-dire sous ces hautes forêts qui s’étendaient sur la droite de la Mercy, depuis son embouchure jusqu’à l’extrémité de la presqu’île Serpentine, ainsi que sur toute la côte occidentale. Mais il fallait un temps sûr, et un mois devait s’écouler encore avant que cette exploration pût être entreprise utilement.

On attendait donc avec une certaine impatience, quand un incident se produisit, qui vint surexciter encore ce désir qu’avaient les colons de visiter en entier leur domaine.

On était au 24 octobre. Ce jour-là, Pencroff était allé visiter les trappes, qu’il tenait toujours convenablement amorcées. Dans l’une d’elles, il trouva trois animaux qui devaient être bienvenus à l’office. C’était une femelle de pécari et ses deux petits.

Pencroff revint donc à Granite-house, enchanté de sa capture, et, comme toujours, le marin fit grand étalage de sa chasse.

« Allons ! nous ferons un bon repas, monsieur Cyrus ! s’écria-t-il. Et vous aussi, monsieur Spilett, vous en mangerez !

— Je veux bien en manger, répondit le reporter, mais qu’est-ce que je mangerai ?

— Du cochon de lait.

— Ah ! vraiment, du cochon de lait, Pencroff ? À vous entendre, je croyais que vous rapportiez un perdreau truffé !

— Comment ? s’écria Pencroff. Est-ce que vous feriez fi du cochon de lait, par hasard ?

— Non, répondit Gédéon Spilett, sans montrer aucun enthousiasme, et pourvu qu’on n’en abuse pas…

— C’est bon, c’est bon, monsieur le journaliste, riposta le marin, qui n’aimait pas à entendre déprécier sa chasse, vous faites le difficile ? Et il y a sept mois, quand nous avons débarqué dans l’île, vous auriez été trop heureux de rencontrer un pareil gibier !…

— Voilà, voilà, répondit le reporter. L’homme n’est jamais ni parfait, ni content.

— Enfin, reprit Pencroff, j’espère que Nab se distinguera. Voyez ! Ces deux petits pécaris n’ont pas seulement trois mois ! Ils seront tendres comme des cailles ! Allons, Nab, viens ! J’en surveillerai moi-même la cuisson. »

Et le marin, suivi de Nab, gagna la cuisine et s’absorba dans ses travaux culinaires.