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Page:Jules Verne - L’Île mystérieuse.djvu/378

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l’île mystérieuse.

tantôt physiciens. Le reporter ne quittait l’ingénieur que pour chasser avec Harbert, car il n’eût pas été prudent de laisser le jeune garçon courir seul la forêt, et il fallait se tenir sur ses gardes. Quant à Nab et à Pencroff, un jour aux étables ou à la basse-cour, un autre au corral, sans compter les travaux à Granite-house, ils ne manquaient pas d’ouvrage.

L’inconnu travaillait à l’écart, et il avait repris son existence habituelle, n’assistant point aux repas, couchant sous les arbres du plateau, ne se mêlant jamais à ses compagnons. Il semblait vraiment que la société de ceux qui l’avaient sauvé lui fût insupportable !

« Mais alors, faisait observer Pencroff, pourquoi a-t-il réclamé le secours de ses semblables ? Pourquoi a-t-il jeté ce document à la mer ?

— Il nous le dira, répondait invariablement Cyrus Smith.

— Quand ?

— Peut-être plus tôt que vous ne le pensez, Pencroff. »

Et, en effet, le jour des aveux était proche.

Le 10 décembre, une semaine après son retour à Granite-house, Cyrus Smith vit venir à lui l’inconnu, qui, d’une voix calme et d’un ton humble, lui dit :

« Monsieur, j’aurais une demande à vous faire.

— Parlez, répondit l’ingénieur ; mais auparavant, laissez-moi vous faire une question. »

À ces mots, l’inconnu rougit et fut sur le point de se retirer. Cyrus Smith comprit ce qui se passait dans l’âme du coupable, qui craignait sans doute que l’ingénieur ne l’interrogeât sur son passé !

Cyrus Smith le retint de la main :

« Camarade, lui dit-il, non-seulement nous sommes pour vous des compagnons, mais nous sommes des amis. Je tenais à vous dire cela, et maintenant je vous écoute. »

L’inconnu passa la main sur ses yeux. Il était pris d’une sorte de tremblement, et demeura quelques instants sans pouvoir articuler une parole.

« Monsieur, dit-il enfin, je viens vous prier de m’accorder une grâce.

— Laquelle ?

— Vous avez à quatre ou cinq milles d’ici, au pied de la montagne, un corral pour vos animaux domestiques. Ces animaux ont besoin d’être soignés. Voulez-vous me permettre de vivre là-bas avec eux ? »

Cyrus Smith regarda pendant quelques instants l’infortuné avec un sentiment de commisération profonde. Puis :