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Page:Jules Verne - L’Île mystérieuse.djvu/455

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le secret de l’île.

« Mille diables ! s’écria Pencroff. Voilà un navire qu’il sera difficile de renflouer !

— Ce sera même impossible, dit Ayrton.

— En tout cas, fit observer Gédéon Spilett au marin, l’explosion, s’il y a eu explosion, a produit là de singuliers effets ! Elle a crevé la coque du navire dans ses parties inférieures, au lieu d’en faire sauter le pont et les œuvres mortes ! Ces larges ouvertures paraissent avoir plutôt été faites par le choc d’un écueil que par l’explosion d’une soute !

— Il n’y a pas d’écueil dans le canal ! répliqua le marin. J’admets tout ce que vous voudrez, excepté le choc d’une roche !

— Tâchons de pénétrer à l’intérieur du brick, dit l’ingénieur. Peut-être saurons-nous à quoi nous en tenir sur la cause de sa destruction. »

C’était le meilleur parti à prendre, et il convenait, d’ailleurs, d’inventorier toutes les richesses contenues à bord, et de tout disposer pour leur sauvetage.

L’accès à l’intérieur du brick était facile alors. L’eau baissait toujours, et le dessous du pont, devenu maintenant le dessus par le renversement de la coque, était praticable. Le lest, composé de lourdes gueuses de fonte, l’avait défoncé en plusieurs endroits. On entendait la mer qui bruissait, en s’écoulant par les fissures de la coque.

Cyrus Smith et ses compagnons, la hache à la main, s’avancèrent sur le pont à demi brisé. Des caisses de toutes sortes l’encombraient, et, comme elles n’avaient séjourné dans l’eau que pendant un temps très-limité, peut-être leur contenu n’était-il pas avarié.

On s’occupa donc de mettre toute cette cargaison en lieu sûr. L’eau ne devait pas revenir avant quelques heures, et ces quelques heures furent utilisées de la manière la plus profitable. Ayrton et Pencroff avaient frappé, à l’ouverture pratiquée dans la coque, un palan qui servait à hisser les barils et les caisses. La pirogue les recevait et les transportait immédiatement sur la plage. On prenait tout, indistinctement, quitte à faire plus tard un triage de ces objets.

En tout cas, ce que les colons purent d’abord constater avec une extrême satisfaction, c’est que le brick possédait une cargaison très-variée, un assortiment d’articles de toutes sortes, ustensiles, produits manufacturés, outils, tels que chargent les bâtiments qui font le grand cabotage de la Polynésie. Il était probable que l’on trouverait là un peu de tout, et on conviendra que c’était précisément ce qu’il fallait à la colonie de l’île Lincoln.

Toutefois, — et Cyrus Smith l’observait dans un étonnement silencieux, — non-