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Page:Jules Verne - L’Île mystérieuse.djvu/514

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l’île mystérieuse.

devaient être importants, car les colons s’étaient jurés de ne point rentrer à Granite-house avant que leur double but eût été atteint : d’une part, détruire les convicts et retrouver Ayrton, s’il vivait encore ; de l’autre, découvrir celui qui présidait si efficacement aux destinées de la colonie.

De l’île Lincoln, les colons connaissaient à fond toute la côte orientale depuis le cap Griffe jusqu’aux caps Mandibules, les vastes marais des Tadornes, les environs du lac Grant, les bois de Jacamar compris entre la route du corral et la Mercy, les cours de la Mercy et du creek Rouge, et enfin les contreforts du mont Franklin, entre lesquels avait été établi le corral.

Ils avaient exploré, mais d’une manière imparfaite seulement, le vaste littoral de la baie Washington depuis le cap Griffe jusqu’au promontoire du Reptile, la lisière forestière et marécageuse de la côte ouest, et ces interminables dunes qui finissaient à la gueule entr’ouverte du golfe du Requin.

Mais ils n’avaient reconnu en aucune façon les larges portions boisées qui couvraient la presqu’île Serpentine, toute la droite de la Mercy, la rive gauche de la rivière de la Chute, et l’enchevêtrement de ces contreforts et de ces contre-vallées qui supportaient les trois quarts de la base du mont Franklin à l’ouest, au nord et à l’est, là où tant de retraites profondes existaient sans doute. Par conséquent, plusieurs milliers d’acres de l’île avaient encore échappé à leurs investigations.

Il fut donc décidé que l’expédition se porterait à travers le Far-West, de manière à englober toute la partie située sur la droite de la Mercy.

Peut-être eût-il mieux valu se diriger d’abord sur le corral, où l’on devait craindre que les convicts ne se fussent de nouveau réfugiés, soit pour le piller, soit pour s’y installer. Mais, ou la dévastation du corral était un fait accompli maintenant, et il était trop tard pour l’empêcher, ou les convicts avaient eu intérêt à s’y retrancher, et il serait toujours temps d’aller les relancer dans leur retraite.

Donc, après discussion, le premier plan fut maintenu, et les colons résolurent de gagner à travers bois le promontoire du Reptile. Ils chemineraient à la hache et jetteraient ainsi le premier tracé d’une route qui mettrait en communication Granite-house et l’extrémité de la presqu’île, sur une longueur de seize à dix-sept milles.

Le chariot était en parfait état. Les onaggas, bien reposés, pourraient fournir une longue traite. Vivres, effets de campement, cuisine portative, ustensiles divers furent chargés sur le chariot, ainsi que les armes et les munitions choisies avec soin dans l’arsenal maintenant si complet de Granite-house. Mais il ne