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l’île mystérieuse.

prolongée plus que de coutume. Il était neuf heures du soir. Déjà de longs bâillements, mal dissimulés, sonnaient l’heure du repos, et Pencroff venait de se diriger vers son lit, quand le timbre électrique, placé dans la salle, résonna soudain.

Tous étaient là, Cyrus Smith, Gédéon Spilett, Harbert, Ayrton, Pencroff, Nab. Il n’y avait donc aucun des colons au corral.

Cyrus Smith s’était levé. Ses compagnons se regardaient, croyant avoir mal entendu.

« Qu’est-ce que cela veut dire ? s’écria Nab. Est-ce le diable qui sonne ? »

Personne ne répondit.

« Le temps est orageux, fit observer Harbert. L’influence de l’électricité ne peut-elle pas… »

Harbert n’acheva pas sa phrase. L’ingénieur, vers lequel tous les regards étaient tournés, secouait la tête négativement.

« Attendons, dit alors Gédéon Spilett. Si c’est un signal, quel que soit celui qui le fasse, il le renouvellera.

— Mais qui voulez-vous que ce soit ? s’écria Nab.

— Mais, répondit Pencroff, celui qui… »

La phrase du marin fut coupée par un nouveau frémissement du trembleur sur le timbre.

Cyrus Smith se dirigea vers l’appareil et, lançant le courant à travers le fil, il envoya cette demande au corral :

« Que voulez-vous ? »

Quelques instants plus tard, l’aiguille, se mouvant sur le cadran alphabétique, donnait cette réponse aux hôtes de Granite-house :

« Venez au corral en toute hâte. »

« Enfin ! » s’écria Cyrus Smith.

Oui ! Enfin ! Le mystère allait se dévoiler ! Devant cet immense intérêt qui allait les pousser au corral, toute fatigue des colons avait disparu, tout besoin de repos avait cessé. Sans avoir prononcé une parole, en quelques instants, ils avaient quitté Granite-house et se trouvaient sur la grève. Seuls, Jup et Top étaient restés. On pouvait se passer d’eux.

La nuit était noire. La lune, nouvelle ce jour-là même, avait disparu en même temps que le soleil. Ainsi que l’avait fait observer Harbert, de gros nuages orageux formaient une voûte basse et lourde, qui empêchait tout rayonnement d’étoiles. Quelques éclairs de chaleur, reflets d’un orage lointain, illuminaient l’horizon.