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le secret de l’île.

« Le voilà ! » dit-il.

Ce fil traînait sur le sol, mais sur toute sa longueur il était entouré d’une substance isolante, comme l’est un câble sous-marin, ce qui assurait la libre transmission des courants. Par sa direction, il semblait s’engager à travers les bois et les contreforts méridionaux de la montagne, et, conséquemment, il courait vers l’ouest.

« Suivons-le ! » dit Cyrus Smith.

Et tantôt à la lueur du fanal, tantôt au milieu des fulgurations de la foudre, les colons se lancèrent sur la voie tracée par le fil.

Les roulements du tonnerre étaient continus alors, et leur violence telle, qu’aucune parole n’eût pu être entendue. D’ailleurs, il ne s’agissait pas de parler, mais d’aller en avant.

Cyrus Smith et les siens gravirent d’abord le contrefort dressé entre la vallée du corral et celle de la rivière de la Chute, qu’ils traversèrent dans sa partie la plus étroite. Le fil, tantôt tendu sur les basses branches des arbres, tantôt se déroulant à terre, les guidait sûrement.

L’ingénieur avait supposé que ce fil s’arrêterait peut-être au fond de la vallée, et que là serait la retraite inconnue.

Il n’en fut rien. Il fallut remonter le contrefort du sud-ouest et redescendre sur ce plateau aride que terminait cette muraille de basaltes si étrangement amoncelés. De temps en temps, l’un ou l’autre des colons se baissait, tâtait le fil de la main et rectifiait la direction au besoin. Mais il n’était plus douteux que ce fil courût directement à la mer. Là, sans doute, dans quelque profondeur des roches ignées, se creusait la demeure si vainement cherchée jusqu’alors.

Le ciel était en feu. Un éclair n’attendait pas l’autre. Plusieurs frappaient la cime du volcan et se précipitaient dans le cratère au milieu de l’épaisse fumée. On eût pu croire, par instants, que le mont projetait des flammes.

À dix heures moins quelques minutes, les colons étaient arrivés sur la haute lisière qui dominait l’océan à l’ouest. Le vent s’était levé. Le ressac mugissait à cinq cents pieds plus bas.

Cyrus Smith calcula que ses compagnons et lui avaient franchi la distance d’un mille et demi depuis le corral.

À ce point, le fil s’engageait au milieu des roches, en suivant la pente assez raide d’un ravin étroit et capricieusement tracé.

Les colons s’y engagèrent, au risque de provoquer quelque éboulement de rocs mal équilibrés et d’être précipités dans la mer. La descente était extrême-