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l’abandonné.

— Des loups, des jaguars ou des singes ! répondit Nab.

— Diable ! Mais ils peuvent gagner le haut du plateau ! dit le reporter.

— Et notre basse-cour, s’écria Harbert, et nos plantations ?…

— Par où ont-ils donc passé ? demanda Pencroff.

— Ils auront franchi le ponceau de la grève, répondit l’ingénieur, que l’un de nous aura oublié de refermer.

— En effet, dit Spilett, je me rappelle l’avoir laissé ouvert…

— Un beau coup que vous avez fait là, monsieur Spilett ! s’écria le marin.

— Ce qui est fait est fait, répondit Cyrus Smith. Avisons à ce qu’il faut faire ! »

Telles furent les demandes et les réponses qui furent rapidement échangées entre Cyrus Smith et ses compagnons. Il était certain que le ponceau avait été franchi, que la grève était envahie par des animaux, et que ceux-ci, quels qu’ils fussent, pouvaient, en remontant la rive gauche de la Mercy, arriver au plateau de Grande-Vue. Il fallait donc les gagner de vitesse et les combattre, au besoin.

« Mais quelles sont ces bêtes-là ? » fut-il demandé une seconde fois, au moment où les aboiements retentissaient avec plus de force.

Ces aboiements firent tressaillir Harbert, et il se souvint de les avoir déjà entendus pendant sa première visite aux sources du Creek-Rouge.

« Ce sont des culpeux, ce sont des renards ! dit-il.

— En avant ! » s’écria le marin.

Et tous, s’armant de haches, de carabines et de revolvers, se précipitèrent dans la banne de l’ascenseur et prirent pied sur la grève.

Ce sont de dangereux animaux que ces culpeux, quand ils sont en grand nombre et que la faim les irrite. Néanmoins, les colons n’hésitèrent pas à se jeter au milieu de la bande, et leurs premiers coups de revolver, lançant de rapides éclairs dans l’obscurité, firent reculer les premiers assaillants.

Ce qui importait avant tout, c’était d’empêcher ces pillards de s’élever jusqu’au plateau de Grande-Vue, car les plantations, la basse-cour, eussent été à leur merci, et d’immenses dégâts, peut-être irréparables, surtout en ce qui concernait le champ de blé, se seraient inévitablement produits. Mais comme l’envahissement du plateau ne pouvait se faire que par la rive gauche de la Mercy, il suffisait d’opposer aux culpeux une barrière insurmontable sur cette étroite portion de la berge comprise entre la rivière et la muraille de granit.

Ceci fut compris de tous, et, sur un ordre de Cyrus Smith, ils gagnèrent l’endroit désigné, pendant que la troupe des culpeux bondissait dans l’ombre.

Cyrus Smith, Gédéon Spilett, Harbert, Pencroff et Nab se disposèrent donc de