trouvais entièrement maître de moi-même
et avec un bien suffisant pour
couler mes jours dans une douce
aisance. À cet âge heureux, l’avenir se
présente à nous sous les plus brillantes
couleurs ; dans les illusions dont mon
imagination ardente aimait à se repaître,
je me formais en idée un système de
jouissance, un édifice de bonheur dont
je goûtais déjà par anticipation la douceur.
Insensé, j’ignorais que l’homme
ne peut disposer des événements, qu’il
est soumis, asservi aux circonstances,
et que dans cette immense combinaison
de chances qui forment la grande loterie
du monde moral, le sort lui a réservé
un lot auquel il tenterait en vain de se
soustraire.
Jusqu’alors je n’avais point encore connu l’amour, ou du moins je n’avais eu que de ces goûts légers et éphémères qui intéressent bien plus les sens que le cœur, mais je ne tardai pas à connaître cette passion à la fois si douce et si cruelle. La fille d’un riche marchand qui