Page:Julien - Histoire de la vie de Hiouen-Thsang et de ses voyages dans l’Inde.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
99
LIVRE DEUXIÈME.

circonstance, nos fatigues et nos dangers sont arrivés à leur comble. Cest pourquoi quand nous reportons notre pensée sur les cruels événements de la forêt, tout à coup notre âme est déchirée de douleur. Maître, comment se fait-il qu’au lieu de gémir avec nous, vous conserviez un air riant et joyeux ? »

— « La vie, répondit-il, est le plus grand bien de l’homme. Quand on a la vie sauve, à quoi bon s’inquiéter du reste ? C’est pourquoi il est dit dans un livre de mon pays : La vie est le plus grand trésor du monde ; tant qu’elle subsiste en nous, ce grand trésor ne saurait être oublié. Quelques vêtements et de chétives provisions méritent-ils tant de chagrins et de regrets ? »

En entendant ce langage, ses compagnons comprirent avec émotion, que son âme sublime était comme une rivière pure dont on peut agiter les flots sans jamais les troubler.

Le lendemain, il arriva à la frontière orientale du royaume de Tse-kia (Tchéka), et entra dans une grande ville.

À l’ouest de la ville, et au nord de la route qui y conduit, il y avait un grand bois d’An-mo-lo (d’Âmras) « manguiers ». Dans ce bois vivait un brâhmane âgé de cent sept ans (sic), et qui, à le voir, ne paraissait pas avoir plus de trente ans. Il était d’une haute stature et était doué d’une profonde intelligence. Il était versé dans la doctrine du Tchong-lun (Prâṇyamoûla çâstra de Nâgârdjouna) et du Pe-lun (le Çataçâstra de Dêva bôdhisattva) ; de plus, il connaissait à fond les Feï-t’o (les Védas), etc.