Page:Julien empereur - Oeuvres completes (trad. Talbot), 1863.djvu/25

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faisait courir à l’empire la Gaule soulevée, loua le jeune prince, en qui la force s’alliait à la prudence et sur lequel il fondait désormais tout son espoir, et termina par ces mots : « Frère bien-aimé, vous arrivez, tout jeune encore, à prendre part aux splendeurs de votre famille… Allez donc, associé maintenant à mes travaux, à mes périls, prendre en main le gouvernement de la Gaule. Apportez à ses douleurs le baume de votre intervention tutélaire. S’il faut combattre, votre place est marquée à côté des enseignes… Les circonstances nous pressent : allez, homme brave, commander à des braves, et comptez de ma part sur la coopération la plus active, la plus sincère. Combattons de concert, afin que, s’il plaît à Dieu d’exaucer un jour mes vœux et de rendre la paix au monde, nous puissions, de concert, le gouverner avec modération, avec amour… Allez donc, allez ; tous nos vœux vous suivent, montrez-vous défenseur vigilant du poste où la République vous élève. » Julien ne répondit qu’en tenant baissés vers la terre « ces yeux terribles à la fois et pleins de charme[1] », monta sur le char de l’empereur, et revint au palais le cœur plein des plus sombres pressentiments. Peu de jours après il épousait Hélène, sœur de Constance, prenait congé de l’empereur et de l’impératrice qu’il ne devait plus revoir, et partait pour la Gaule.

Il n’entre point dans le cadre de cette étude de raconter en détail les belles campagnes de Julien en Gaule et en Germanie. On en trouvera dans Ammien Marcellin la longue et fidèle histoire. Montesquieu la résume en ces termes : « Lorsque Constantius envoya Julien dans les Gaules, il trouva que cinquante villes le long du Rhin avaient été prises par les barbares ; que les provinces avaient été saccagées ; qu’il n’y avait plus que l’ombre d’une armée romaine, que le seul nom des ennemis faisait fuir. Ce prince par sa sagesse, sa constance, son économie, sa conduite, sa valeur et une suite continuelle d’actions héroïques, rechassa les barbares, et la terreur de son nom les contint tant qu’il vécut. » Et quel était ce dompteur de la Germanie, ce pacificateur des bords du Rhin ? Un guerrier éprouvé dans les combats, un soldat élevé sous la tente ? « Non, dit Ammien Marcellin ; c’est un élève des Muses, à peine adolescent, nourri comme Érechthée dans le giron de Minerve et sous les pacifiques ombrages de l’Académie[2]. »

  1. Ammien Marcellin.
  2. « Quand il répétait gauchement quelque exercice militaire qu’il ne pouvait