1. Julien. Puisqu’un dieu[2] nous accorde le droit de plaisanter, vu que ce sont les Saturnales, et que je ne sais rien de risible et de plaisant, je vais m’étudier sérieusement, mon doux ami, à te dire des choses qui ne soient point ridicules.
L’ami. Eh quoi ! César, peut-on être assez épais, assez suranné, pour faire des plaisanteries sérieuses ? Moi, je me figurais que le badinage est un délassement de l’esprit, un repos de la gravité.
Julien. Et tu as raison ; mais pour moi la chose ne va point ainsi. La nature ne m’a fait ni moqueur, ni parodiste, ni railleur. Cependant, puisqu’il faut obéir à la loi du dieu[3], veux-tu que je te raconte, en manière de plaisanterie, une fable où il y aura, je l’espère, beaucoup de choses dignes de ton attention ?
L’ami. Je t’écouterai de tout mon cœur. Je ne suis point de ceux qui dédaignent les fables, surtout celles qui sont instruc-
- ↑ Peut-être Salluste, préfet des Gaules et ami particulier de Julien.
- ↑ Saturne. — Cf. Lucien, Saturnales, t. II, p. 410 de notre traduction. — Sur les Saturnales, voyez Ch. Dezobry, Rome au siècle d’Auguste, lettre LXXI, t. III, p. 130 et suivantes.
- ↑ Voyez Lucien, Cronosolon, 13, t. II, p. 415 de notre traduction.