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Page:Junka - Mademoiselle Nouveau Jeu, paru dans la Revue populaire, Montréal, janvier 1919.pdf/2

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I


Mme d’Aureilhan jeta un dernier coup d’œil à la grande table étincelante de cristaux et de vieille argenterie de famille, puis, s’étant reculée pour mieux juger l’ensemble, interpella le vieux domestique qui la secondait sans mot dire.

— Je crois que ce n’est pas mal, n’est-ce pas, Germain ?

Il était infiniment rare d’entendre Mme d’Aureilhan prendre conseil d’autrui, à plus forte raison d’un simple serviteur, celui-ci fût-il dans la maison depuis une quarantaine d’années.

En homme averti, Germain ne sourcilla point ; pas un muscle ne bougea dans son honnête figure rasée. Seule, une lueur sarcastique brilla au fond de ses prunelles grises, tandis qu’il répondait prudemment :

— Madame s’y connaît mieux que personne.

La maîtresse de céans eut la mine satisfaite des gens qui ne sollicitent un avis que pour obtenir une approbation.

Elle hocha la tête et ajouta :

— Néanmoins, des fleurs aux deux bouts seraient d’un effet harmonieux. Le surtout est magnifique, et je vous en félicite, Germain, mais vous savez combien M. d’Aureilhan aime les roses. Puisque cette réunion familiale a lieu en son honneur, il n’y en aura jamais trop. J’ai remarqué ce matin quelques superbes Gloire de Dijon dans le bosquet, près de la grille. Je vais aller les cueillir ; préparez-moi les potiches de Delft…