Page:Kaempfen - George Sand, paru dans L’Univers illustré, 17 juin 1876.djvu/12

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situations fixeraient peu à peu mes souvenirs. Il n’en fut rien, et cet oubli où mon cerveau enterre immédiatement les produits de son travail n’a fait que croître et embellir. Si je n’avais pas mes ouvrages sur un rayon, j’oublierais jusqu’à leur titre. On peut me lire un demi-volume de certains romans que je n’ai pas eu à revoir en épreuves depuis quelques semaines, sans que, sauf deux ou trois noms principaux, je devine qu’ils sont de moi. »

Un jour, l’ami dont je vous parlais tout à l’heure rappela devant elle quelque épisode d’un de ses meilleurs romans, Mauprat.

« C’est moi qui ai écrit cela ? dit-elle.

— Mais oui, sans doute. »

Le roman ne se trouva point avec les autres sur le rayon où elle plaçait ses livres.

« Je l’ai, moi, lui répondit l’ami.

— Eh bien ! apportez-le-moi », dit-elle.

Il le lui apporta ; et le lendemain :

« Je l’ai lu, lui dit-elle. Ce n’est pas mauvais ; mais je ferais mieux maintenant. »