Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/127

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quelqu’un expliquerait simplement leurs gestes et leurs substances de faits. C’est de la littérature spirituelle.

M. Jean Ajalbert, dans le P’tit, ne témoigne non plus pour les êtres une estime extraordinaire ; mais avec un nonchalant recueillement, il se console en admirant les quais, les bateaux et les soleils couchants ; les douleurs du P’tit, peu graves pour l’évolution mais très sincères chez le P’tit, s’encadrent, comme d’un chœur antique, de propos rythmés sur son passage par les dames de son quartier : les douleurs du P’tit ont lieu dans des paysages de banlieue et de petite ville. Toute l’allure du livre est d’une ironique mélancolie ; c’est, dans cet art aux menues proportions de la nouvelle, un aimable livre de sceptique attendri. Pour ses débuts dans la prose, M. Jean Ajalbert fait preuve d’un style agile et artiste ; dans sa voie de romancier on peut prédire une interprétation très fine des humbles conçus en leurs sensations rares et leurs sentiments délicats ; — mais M. Ajalbert est bien loin d’être un naturaliste, c’est un imaginatif du réalisme.

M. Henri Lavedan semble se rapprocher surtout de M. de Villiers de l’Isle-Adam ; quoique son sujet, sa manière de développement, son mot de la fin, tout cela soit bien à lui et spécial, l’humour dont il fait preuve, la formule de ses phrases rappelle invinciblement celles des contes de M. de Villiers. Dans un mode cruel de concevoir la vie, s’il n’a ni une forme encore personnelle, ni le haut sang-froid de M. Hervieu, ni la discrète émotion de M. Ajalbert, M. Lavedan démontre