Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/15

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datent de 1886, ne peut avoir, en 1901, accompli son cycle. Il n’a pu en quinze ans ni réaliser tout ce qu’il voulut ni toucher à tous les points qu’il visait ni décrire toute sa courbe. Ce n’est point qu’en écrivant ceci je demande l’indulgence ; les écrivains de talent qui se sont plus ou moins groupés, qui ont accepté plus ou moins définitivement cette étiquette le trouveraient singulier, et je n’ai nullement la pensée de la solliciter pour moi-même, car si j’espère faire mieux, sans espérer me rendre digne de tout mon rêve, je sais que le labeur de la première partie de ma vie n’a pas été inutile et je me connais des œuvres viables puisqu’elles engendrèrent.

Avons-nous eu raison ? nous, les premiers symbolistes, ceux qui vinrent tout de suite vers nous, ceux qui voisinèrent avec nous, s’étant associés à certaines de nos idées, s’étant reconnus dans quelques-uns de nos vouloirs ? Le vers libre sera-t-il le chemin futur de la poésie française ? le poème en prose que nous avons dépassé, et qui se retrouve reprendre de la consistance d’après notre orientation, sera-t-il cette forme intermédiaire entre la prose et le vers que recherchait, qu’avait trouvée Baudelaire et deviendra-t-il le Verbe de nos successeurs ? Y aura-t-il trois langages littéraires : le vers, gardant son allure parnassienne, éternellement, sur la chute des sociétés et des empires, puis le poème en prose et la prose, ou bien le vers libre, englobant dans sa large rythmique les anciennes prosodies, voisinera-t-il avec le poème en prose baudelairien, et la prose propre ?

Ce sont nos successeurs qui résoudront ce problème.