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Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/192

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symbolistes et décadents

de la Dame, ou bien les tréteaux disparaîtraient pour ne plus laisser voir que des déserts gris.

En ces mêmes temps d’où date le Concile féerique, Laforgue terminait les Moralités légendaires. L’essence en est semblable à celle de ses poésies, mais ici, au lieu que le poète parle, supposant à peine parfois comme porte-parole son Pierrot, à la fois madré et de bonne foi, impulsif et philosophe, ce Pierrot nourri de métaphysique et discuteur (avec la bonne terminologie) qu’il a inventé et qu’il faut mettre à côté des autres Pierrots célèbres, celui de la chanson et celui de Banville. Laforgue choisit des personnages, et c’est Salomé, Andromède, Ophélie, le prince Hamlet, Pan, le socialiste Jean-Baptiste qui se jouent dans les événements, parmi les décors de rêves ou de réalité transposée.

Oh ! l’adorable livre de variations personnelles ! C’est Laforgue qui se transfigure dans ce capricieux Hamlet dont l’idée vitale est à tous moments balayée par le plaisir qu’il éprouve à rimer la plus petite facette de son chagrin ; c’est lui encore, le bon monstre d’Andromède, dont l’âme s’éveille en belle parure, dès que les caresses de la jeune Andromède, enfin apprivoisée, l’ont débarrassé de sa forme extérieure et gauche ; c’est lui, le Pan qui poursuit la Syrinx en lui expliquant son rêve de vie ; et les silhouettes féminines qui y passent représentent sa notion de la femme, à partir de l’idée un peu trop effarouchée et a priori qu’en dessinent les Complaintes et le Concile féerique. Salomé est un futur petit Messie féminin, la femme qui a abordé les hautes sciences ; son boudoir est une coupole d’obser-