Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Membrée et de Mermet saluaient à leur façon la musique nouvelle, en un bruit sonore de chutes de portants ; et on commençait à entendre les musiques de Bizet, de Guiraud, de Saint-Saëns.

Naturellement, on allait surtout au concert, où le mélange était moins impur. Chez Pasdeloup et chez Colonne, il y avait des dimanches héroïques. C’étaient les fragments wagnériens terminés dans le potin et le chahut. C’était Berlioz révélé, imposé, c’était Franck écouté en bâillant, Liszt présenté dans ses petits côtés, ses rhapsodies, sauf une admirable soirée organisée par Saint-Saëns. Massenet triomphait, Saint-Saëns était discuté, on se battait presque pour la Danse macabre, c’était le bon temps, comme disent les personnages d’Erckmann-Chatrian, chaque fois qu’on débouche une vieille bouteille, ou qu’ils entendent sonner un vieux coucou historié.

Dirai-je qu’alors je rêvais beaucoup, j’écrivais un peu, et que j’étais très tenté de donner à mes rêveries une forme personnelle. Je ne connaissais personne, personne n’avait d’influence sur moi, et je tâtonnais, plein de visions diverses et voyant étinceler confusément devant moi une série de ])rojets à remplir plusieurs vies.

Les hasards de la vie d’étudiant m’avaient tout le moins mis au contact avec quelques amis à préoccupations littéraires et qui n’ont point fait de littérature, avec de jeunes savants, de futurs historiens ou orientalistes, et le hasard me fit aussi connaître quelques poètes dont les uns aimaient Riichepin, et d’autres Rollinat, alors l’auteur des Brandes, qui vantait le paroxysme, la sincérité, le dandysme et l’esprit d’ordre. Où rencontrai-je