Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/42

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d’écorché. Si instinctif fut-il, il avait tout de même brièvement esthétisé, et son art poétique (Jadis et Naguère) donnait bref et bien sa méthode. De la musique avant toute chose : avant tout préfère l’impair, prends l’éloquence et tords-lui le cou… la rime, bijou d’un sou… Le fruit des années de recueillement de Verlaine concordait à merveille avec la germination sourde et l’éclosion première des idées parallèlement en marche.

Verlaine, le créateur avec Rimbaud du vers libéré, avait dans son esthétique complexe et peu certaine, avec des éclairs superbes, des coins où régnait encore du baudelairisme de l’ordre le moins supérieur. Il lui demeurait quelques restes d’avoir été, parmi les Parnassiens, le Saturnien ; il était croyant et satanique, avait quelque ironique respect pour le Saint-Sulpice qui lui semblait, je pense, aussi louable qu’une autre sorte d’imagerie populaire. Très clair, précis, poignant, dès qu’il écoutait sa sensibilité, laquelle était amoureuse, susceptible et mêlée de crédulité religieuse, il était très embarrassé sur les terrains d’exégèse et de critique. Encore qu’il ait, à mon souvenir, merveilleusement développé dans une conversation le type de Parsifal (ses idées en ont été vulgarisées sans ses soins) il brillait moins par la pénétration critique que par un don de se traduire tout entier dans une simple chanson, avec son âme douce, rodomontanle et peureuse. Il mêle donc au symbolisme initial, dont il fut une forte colonne, du décadentisme, c’est-à-dire du satanisme, de l’innocente perversité, et du catholicisme poétique ; le sonnet de Bérénice, si célèbre, si joli, ne