Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du lecteur, rejeter l’art fermé des Parnassiens, le culte d’Hugo poussé au fétichisme, protester contre la platitude des petits naturalistes, retirer le roman du commérage et du document trop facile, renoncer à de petites analyses pour tenter des synthèses, tenir compte de l’apport étranger quand il était comme celui des grands Russes ou des Scandinaves, révélateur, tels étaient les points communs. Ce qui se détache nettement comme résultat tangible de l’année 1886, ce fut l’instauration du vers libre. Elle est présentée très judicieusement et très exactement par M. Albert Mockel dans ses Propos de littérature, et trop bien pour que je n’y renvoie pas le lecteur.

Ce fut au début de la publication de La Vogue que j’allais voir Paul Verlaine. Si Verlaine eut été en France, avant 1880, alors qu’il était parfaitement méconnu, nul doute que je n’eusse cherché à lui témoigner mon admiration, parmi celles peu nombreuses qu’il comptait. Mais, à mon retour en France, il était en pleine gloire. Il ne m’attirait pas d’ailleurs aussi complètement que Mallarmé ; on pouvait penser que le meilleur et même tout de lui était dans ses livres. Quoiqu’il en soit, j’attendis une occasion et ce fut pour lui demander sa collaboration à La Vogue que je l’allai voir.

C’était Cour Saint-François, presque Cour des Miracles. Sous le tonnerre intermittent du chemin de fer de Vincennes, à côté des boutiques aux devantures à plein cintre, une petite impasse ; un chantier de bois appuyait contre le viaduc de longs madriers et des échafaudages savants de poutres équarries décorait l’ho-