Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/64

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méconnus, tous les passionnés d’écriture artiste, ou plutôt d’écriture expressive et de forme nouvelle, les occultistes, les symbolistes, les anarchistes aussi ce fut, pour ce même public, une masse en marche. La foule apercevait un brouillard bariolé, avec des lueurs indécises de fanal au-dessus d’une marche naturellement un peu cahotante, et voyait passer sa génération montante, comme dit Rosny, en groupes voisins, mêlés par des conversations engagées, plus indistincts à des haltes où on confrontait des idées et où l’on discutait ensemble, plus confus de la présence d’indépendants égaillés au long des groupes. Longtemps nous ne pûmes espérer prouver à un critique que nous n’étions pas des Rose-Croix ; on nous objectait que les Rose-Croix se déclaraient symbolistes, que Péladan c’était presque Paul Adam. Il fallait expliquer qu’il y avait symbole et symbole, symbole religieux, symbole pour Rose-Croix, symbole pour symboliste, variété de symboles pour chaque symboliste ; le critique hagard reculait, et s’en allait répétant : les symbolistes sont des occultistes ; plus tard, en 1896, lorsque parut mon livre La Pluie et le beau Temps qu’épigraphiait une belle phrase de La Mettrie, le matérialiste pur, dont j’aimai fixer le nom sur un de mes livres, des interviewers qui, justement, venaient d’être chargés de savoir si la littérature était mystique, religieuse ou pas, vinrent me voir ; et quoique je leur en ai dit, quoique je leur ai fait remarquer le nom de La Mettrie, et que j’ai cru devoir leur expliquer à peu près ce qu’il avait été, rentres à leur journal ils se recueillirent, et conclurent que, plein de mysticisme religieux, je le