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et tout à coup, au-dessus de la ligne foncée des collines, séparé du monde inférieur par une ceinture de buée grise, se révèle le cône royal du Foudji[1]. Le disque rouge du soleil d’hiver monte à l’horizon ; ses pâles rayons atteignent la neige du sommet, et la montagne sacrée apparaît toute dorée comme sur les vieilles laques du Japon d’autrefois. On comprend alors que les Nippons l’aiment, leur Foudji, qui se dresse au centre de l’empire, tout près de la capitale qu’il garde comme une sentinelle vigilante et immuable.

Dans ce pays pénétré par les réformes étrangères qui n’ont rien respecté ni des mœurs, ni des traditions nationales, le flot de l’invasion s’arrête au pied du Foudji. Seul il reste inattaquable et inviolé, image à jamais vivante des siècles du passé…

Un coup de sirène strident nous ramène à la réalité présente. Notre paquebot appelle l’attention du stationnaire japonais qui doit l’accompagner au passage des mines sous-marines semées en travers de la baie au commencement de la guerre. L’entrée du chenal est barrée par cinq petits îlots artificiels construits après l’expédition du commodore Perry. On y

  1. Les noms japonais et chinois seront orthographiés d’après leur prononciation. On emploiera ici la phonétique française et non la phonétique anglaise, adoptée par de nombreuses publications et notamment par la plupart des journaux.