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pement d’une bourgeoisie commerçante et aisée. Lors de l’abolition des privilèges, les bilans des daïmios (grands vassaux), firent retour à l’État, et comme depuis les trente-sept ans de l’ère nouvelle aucune classe intermédiaire n’a pu se former ni s’enrichir, il en résulte que l’argent est uniformément et parcimonieusement réparti entre tous les habitants de l’empire. Aussi à Tokio, il n’existe pas de maisons. On n’y voit que des masures et des palais gouvernementaux.

La ville, d’ailleurs, est d’origine récente. Au milieu du siècle dernier, elle n’était constituée que par le château du Chôgoun autour duquel étaient disséminés de nombreux villages. Lorsque le souverain vint prendre la place de son ancien maire du palais, toute une population de courtisans et de fonctionnaires l’accompagna ; les villages se soudèrent plus ou moins pour former l’agglomération actuelle. Frappé de la pauvre apparence de sa capitale, l’empereur, pour y remédier, réserva, autour de sa résidence, un vaste quartier où il fut interdit d’élever des constructions en bois : on espérait ainsi faire bâtir quelques maisons en pierre. Malheureusement, personne n’avait de quoi en faire les frais. Les nobles étaient ruinés, les hauts fonctionnaires ne touchaient qu’un salaire d’instituteur primaire européen, et les rares négociants enrichis s’étaient fixés