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Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/301

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davantage en nous privant de l’aide du feu, comme vous avez pu vous en rendre compte hier et avant-hier.

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Le long trajet d’un bout à l’autre de la position russe comptera parmi mes souvenirs les plus pénibles. Le spectacle est hideux. Nous ne sommes plus soutenus par l’intérêt passionnant de l’action ; je renonce à décrire le carnage, les piles de cadavres tordus au fond des tranchées et recouverts déjà d’un bourdonnement de mouches. Des corvées de soldats et de coolies chinois enterrent les Russes et brûlent les Japonais sur de grands bûchers de feuillage et de bois enduits de pétrole. Je m’approche d’un groupe d’officiers penchés sur une civière. C’est le corps de mon malheureux ami, le commandant Tatchibana qui a été percé de six balles sur le parapet du dernier retranchement. Il avait tué deux Russes à coups de sabre avant de mourir ; son ordonnance était tombé à ses côtés en s’efforçant de le couvrir de son corps…

Nous quittons sans regret cette lugubre apparition pour remonter à cheval. Wallace n’a pu supporter les fatigues et les privations qu’il nous a fallu endurer pendant deux jours. Il rentre au quartier général en quête de nos camarades et ne veut pas que je l’accompagne.