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FONDEMENTS


c’est par là seulement que l’homme croit sentir sa valeur personnelle, au prix de laquelle il compte pour rien celle d’un état agréable ou pénible.

Nous trouvons bien, à la vérité, que nous pouvons attacher un certain intérêt à une qualité personnelle, où l’intérêt de notre état n’entre pour rien, mais qui nous donnerait des titres au bonheur, si la raison était chargée de le dispenser ; c’est-à-dire que cette seule qualité d’être digne du bonheur peut nous intéresser par elle-même, indépendamment de l’espoir de participer à ce bonheur. Mais ce jugement n’est en réalité que l’effet de l’importance même que nous attribuons déjà aux lois morales (en nous détachant par l’idée de la liberté de tout intérêt empirique), et nous ne pouvons voir encore par là pourquoi nous devons nous dégager de tout intérêt de ce genre, c’est-à-dire nous supposer libres dans nos actions, et en même temps nous regarder comme soumis à certaines lois, pour trouver dans notre personne une valeur propre à compenser la perte de tout ce qui peut donner du prix à notre état, comment cela est possible, et, par conséquent, d’où vient que la loi morale oblige.

Il y a ici, il faut l’avouer franchement, une espèce de cercle, d’où il semble qu’il soit impossible de sortir. Nous nous supposons libres dans l’ordre des causes efficientes, afin de pouvoir nous regarder comme soumis dans l’ordre des fins à des lois morales, et ensuite nous nous considérons comme soumis à ces lois, parce que nous nous sommes attribué la liberté de la volonté. La liberté et la soumission de la volonté à sa