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DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS


raison pure peut être pratique, question qui reviendrait à celle de savoir comment la liberté est possible.

En effet nous ne pouvons expliquer que ce que nous pouvons ramener à des lois dont l’objet peut être donné dans quelque expérience possible. Or la liberté est une pure idée, dont la réalité objective ne peut en aucune manière être prouvée d’après des lois de la nature, ni, par conséquent, nous être donnée dans aucune expérience possible, et qui, échappant à toute analogie et à tout exemple, ne peut par cela même ni être comprise *[1], ni même être saisie **[2]. Elle n’a d’autre valeur que celle d’une supposition nécessaire de la raison dans un être qui croit avoir conscience d’une volonté, c’est-à-dire, d’une faculté bien différente de la simple faculté de désirer (la faculté de se déterminer à agir comme intelligence, et, par conséquent, suivant les lois de la raison et indépendamment des instincts naturels). Or là où les lois de la nature cessent d’expliquer les déterminations, là cesse toute explication, et tout ce qu’on peut faire, c’est de se tenir sur la défensive, c’est-à-dire d’écarter les objections de ceux qui, prétendant avoir pénétré plus profondément dans la nature des choses, tiennent hardiment la liberté pour impossible. On peut en effet du moins leur montrer d’où vient la contradiction qu’ils prétendent découvrir ici : en appliquant la loi de la nature aux actions humaines, ils considèrent nécessairement l’homme comme phénomène ; et puis, lorsqu’on leur demande de le considérer, en tant qu’intelligence,

  1. * begriffen.
  2. ** eingesehen.