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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


manger du pain ne pourrait satisfaire son désir, s’il n’y avait pas de moulins. Mais les préceptes pratiques, qui se fondent sur ces principes, ne peuvent être universels, car le principe qui détermine la faculté de désirer est fondé sur le sentiment du plaisir ou de la peine, qu’on ne peut jamais considérer comme s’appliquant universellement aux mêmes objets.

Mais, quand même des êtres raisonnables finis penseraient absolument de la même manière sur les objets de leurs sentiments de plaisir ou de peine, ainsi que sur les moyens à employer pour obtenir les uns et écarter les autres, ils ne pourraient encore prendre pour une loi pratique le principe de l’amour de soi ; car cet accord ne serait lui-même que contingent. Le principe de détermination n’aurait toujours qu’une valeur subjective, la valeur d’un principe empirique, et il n’aurait pas cette nécessité que l’on conçoit en toute loi, c’est-à-dire cette nécessité objective qui se fonde sur des principes a priori. Je ne parle pas de cette nécessité qui ne serait point pratique, mais purement physique, d’après laquelle l’action est tout aussi inévitablement déterminée par notre inclination, qu’il est nécessaire de bailler, quand on voit les autres bailler. Mieux vaudrait soutenir qu’il n’y a pas de lois prati-

    particulières de l’action propre à produire un certain effet, et, par conséquent, elles sont tout aussi théoriques que toutes les propositions qui expriment une relation de cause à effet. Or celui qui veut l’effet doit aussi vouloir la cause * (* Voyez sur l’idée indiquée dans cette note la Critique du jugement, Introduction : de la division de la philosophie. Traduc. franç. T1, p. 11 à 16. J. B.).