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Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/197

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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


moins en partie), il est évidemment absurde de dire que le crime consiste précisément à attirer sur soi un châtiment, en portant atteinte à son bonheur personnel (ce qui, suivant le principe de l’amour de soi, serait le concept propre de tout crime). Dans ce système, la punition étant la seule raison qui ferait qualifier une action de crime, la justice consisterait bien plutôt à laisser de côté toute punition et même à écarter la punition naturelle ; car alors il n’y aurait plus rien de mal dans l’action, puisqu’on aurait écarté les maux qui en seraient résultés, et qui seuls rendaient cette action mauvaise. Enfin ne voir dans toute punition et dans toute récompense qu’un moyen mécanique dont se servirait une puissance supérieure pour pousser des êtres raisonnables vers leur but final (le bonheur), c’est soumettre la volonté à ce mécanisme qui écarte toute liberté ; cela est trop évident pour qu’il soit nécessaire d’y insister.

C’est une opinion plus subtile, mais tout aussi fausse, que d’admettre, à la place de la raison, sous le nom de sens moral, un certain sens particulier, qui déterminerait la loi morale, et par le moyen duquel la conscience de la vertu serait immédiatement liée au contentement et au plaisir, celle du vice au trouble de l’âme et à la douleur, et ceux qui avancent cette opinion font tout reposer en définitive sur le désir du bonheur personnel. Sans rappeler ce qui a été dit précédemment, je veux seulement faire remarquer l’illusion où l’on tombe ici. Pour pouvoir se représenter un criminel tourmenté parla conscience de ses crimes, il faut