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DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS
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PREMIÈRE SECTION


PASSAGE
DE LA CONNAISSANCE RATIONNELLE COMMUNE DE LA MORALITÉ À LA CONNAISSANCE PHILOSOPHIQUE


De tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde, et même en général en dehors du monde, il n’y a qu’une seule chose qu’on puisse tenir pour bonne sans restriction, c’est une bonne volonté. L’intelligence, la finesse, le jugement, et tous les talents de l’esprit, ou le courage, la résolution, la persévérance, comme qualités du tempérament, sont sans doute choses bonnes et désirables à beaucoup d’égards ; mais ces dons de la nature peuvent aussi être extrêmement mauvais et pernicieux, lorsque la volonté, qui en doit faire usage et qui constitue ainsi essentiellement ce qu’on appelle le caractère, n’est pas bonne. Il en est de même des dons de la fortune. Le pouvoir, la richesse, l’honneur, la santé même, tout le bien-dire, et ce parfait contentement de son état qu’on appelle le bonheur, toutes ces choses nous donnent une confiance en nous, qui dégénère même souvent en présomption, lorsqu’il n’y a pas là une bonne volonté pour empêcher qu’elles n’exercent une fâ-