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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


rapporté au sentiment du plaisir ou de la peine), tandis qu’ils auraient dû commencer par rechercher une loi qui déterminât a priori et immédiatement la volonté et lui donnât ainsi elle-même son objet. Or, qu’ils plaçassent cet objet de plaisir, qui devait fournir le concept suprême du bien, dans le bonheur, dans la perfection, dans le sentiment moral *[1], ou dans la volonté de Dieu, leur principe était toujours hétéronome, et ils étaient condamnés à fonder la loi morale sur des conditions empiriques, car ils ne pouvaient qualifier de bon ou de mauvais l’objet, dont ils faisaient un principe immédiat de détermination pour la volonté, que d’après son rapport immédiat au sentiment, lequel est toujours empirique. Il n’y a qu’une loi formelle, c’est-à-dire une loi qui n’impose à la raison d’autre condition que de donner à ses maximes la forme d’une législation universelle, il n’y a qu’une telle loi qui puisse être a priori un principe déterminant de la raison pratique. Les anciens révélèrent le vice de cette méthode, en donnant pour but à leurs recherches morales la détermination du concept du souverain bien, par conséquent, d’un objet, dont ils cherchaient à faire ensuite le principe déterminant de la volonté dans la loi morale, tandis qu’au contraire c’est seulement quand la loi morale est bien établie par elle-même, et qu’elle est reconnue comme un principe immédiat de détermination pour la volonté, qu’on

  1. * Rosenkranz donne ins moralische Gesetz, dans la loi morale, et Born traduit in lege morali ; mais il faut évidemment lire Gefühl au lieu de Gesetz, sentiment au lieu de loi.