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DU CONCEPT DU SOUVERAIN BIEN.

bien, et que le bonheur n’est que la conscience de la possession de la vertu, en tant qu’elle fait partie de l’état du sujet. Les épicuriens soutenaient que le bonheur est tout le souverain bien, et que la vertu n’est que la forme des maximes à suivre pour l’obtenir, c’est-à dire consiste uniquement dans l’emploi raisonnable des moyens d’y arriver.

Or l’analytique a clairement établi que les maximes de la vertu et celles du bonheur individuel sont, quant à leur principe pratique suprême, entièrement différentes, et que ces deux choses, loin de s’accorder, quoiqu’elles appartiennent toutes deux au souverain bien, qu’elles concourent également à rendre possible, se limitent et se combattent dans le même sujet. Ainsi la question de savoir comment le souverain bien est pratiquement possible est encore un problème à résoudre, malgré tous les essais de conciliation[1] tentés jusqu’ici. Mais l’analytique nous a indiqué ce qui en rend la solution difficile : c’est que le bonheur et la moralité sont deux éléments du souverain bien spécifiquement distincts, et, que, par conséquent, leur union ne peut pas être connue analytiquement (comme si celui qui cherche son bonheur se trouvait vertueux par cela même qu’il aurait conscience d’agir conformément à cette idée, ou comme si celui qui pratique la vertu se trouvait déjà heureux ipso facto par la conscience même de sa conduite), mais qu’elle forme une synthèse. Et, puisqu’elle est regardée comme nécessaire a priori, c’est-à-dire pratiquement, et, par conséquent,

  1. Conciliattions versuche.