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FONDEMENTS


au moyen de ce subterfuge, d’un embarras actuel, mais que je dois examiner si je ne me prépare point, par ce mensonge, des embarras beaucoup plus grands que ceux auxquels j’échappe pour le moment ; et comme, malgré toute la pénétration que je m’attribue les conséquences ne sont pas si faciles à prévoir qu’une confiance mal placée ne puisse nie devenir beaucoup plus funeste que tout le mal que je veux éviter maintenant, il faudrait examiner s’il n’est pas plus prudent de s’imposer ici une maxime générale, et de se faire une habitude de ne rien promettre qu’avec l’intention de tenir promesse. Mais je m’aperçois bientôt qu’une pareille maxime est fondée uniquement sur la crainte des conséquences. Or autre chose est d’être de bonne foi par devoir, autre chose de l’être par crainte des conséquences fâcheuses. Dans le premier cas, le concept de l’action renferme déjà pour moi celui d’une loi ; dans le second, il faut que je cherche dans les suites de l’action quelles conséquences en pourront résulter pour moi. Si je m’écarte du principe du devoir, je ferai très-certainement une mauvaise action ; si j’abandonne ma maxime de prudence, il se peut que cela me soit avantageux, quoiqu’il soit plus sûr de la suivre. Maintenant, pour arriver le plus vite et le plus sûrement possible à la solution de la question de savoir s’il est légitime de faire une promesse trompeuse, je me demande si je verrais avec satisfaction ma maxime de me tirer d’embarras par une fausse promesse, érigée en une loi universelle pour moi comme pour les autres et si je pourrais admettre ce principe chacun peut faire une fausse