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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


avoir égard aux subtilités auxquelles on pourrait avoir recours, et auxquelles je ne saurais répondre d’ailleurs et en opposer les plus spécieuses 1[1].

Pour écarter tout mal-entendu dans l’emploi d’un concept aussi inusité que celui d’une croyance de la raison pure pratique, qu’il me soit permis d’ajouter encore une observation. — Il semblerait presque que cette croyance rationnelle se présente ici à nous comme un ordre, celui d’admettre le souverain bien comme possible. Mais une croyance ordonnée est un non sens. Qu’on se rappelle notre analyse des éléments

  1. 1 Dans un article du Musée allemand, fév. 1787, un homme d’un esprit fin et lucide, et dont la mort prématurée est bien regrettable, feu Wizenmann, conteste le droit de conclure d’un besoin à la réalité objective de son objet, et explique sa pensée par l’exemple d’un amoureux, qui, tout plein de l’idée d’une beauté qui n’existe que dans son imagination, en concluerait que cette beauté existe réellement. Je lui donne parfaitement raison dans tous les cas où le besoin est fondé sur l’inclinalion ; car celle-ci ne peut jamais postuler nécessairement pour celui qui l’éprouve l’existence de son objet, encore moins prétendre s’imposer à chacun, et, par conséquent, elle n’est qu’un principe subjectif du désir. Mais il s’agit ici d’un besoin rationnel, qui dérive d’un principe objectif de détermination de la volonté, c’est-à-dire de la loi morale, laquelle oblige nécessairement tous les êtres raisonnables, et, par conséquent, nous autorise à supposer a priori dans la nature les conditions qui s’y rapportent, et lie inséparablement ces conditions à l’usage pratique complet de la raison. C’est un devoir de travailler de tout notre pouvoir à réaliser le souverain bien ; il faut donc qu’il soit possible ; par conséquent, il est inévitable pour tout être raisonnable dans le monde de supposer ce qui est nécessaire à la possibilité objective du souverain bien. Cette supposition est aussi nécessaire que la loi morale, qui seule lui donne de la valeur.