Page:Kant-Fondements de la métaphysique des moeurs, trad. Lachelier, 1904.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
xiv
INTRODUCTION


sible : car, dans celte hypothèse, la raison serait pour lui une faculté inutile et même dangereuse.

Kn second lieu la loi qui commande la recherche du bonheur est incapable de prescrire îles règles universelles, valables pour, toutes les volontés, car les conditions du bonheur varient à l’infini suivant les circonstances et suivant les individus. Or il semble évident à Kant que la loi qui détermine la volonté d’une personne raisonnable doit être une loi universelle.

En tous cas le prinei|>e de l’amour de soi, qui domine toute la morale du bonheur, ne peut fournir des règles impéralives, il ne peut conduire qu’à des conseils pratiques. Une morale de l’intérêt est donc une morale sans obligation, ce que Kant considère comme une absurdité.

Ces conseils, d’autre part, seraient toujours vagues et difficiles à suivre, car « ce qui peut nous procurer un avantage vrai et durable est toujours enveloppé d’une inqiénétrabie obscurité i. Or la loi morale, qui s’impose également à tous, doit avant toutes choses être claire.

d’ailleurs, le principe de l’amour de soi entraîne à des conséquences qui révoltent la conscience naïve de l’humanité : On pourrait en effet se justifier d’un faux témoignage en alléguant la nécessité de travailler avant tout à ses intérêts ; et de plus il est incapable d’expliquer les sentiments les plus forts de cette même conscience, comme le mépris que nous inspire une déloyauté qui a réussi. Celui qui a triché au jeu et qui u gagné j>ar ce moyen devrait se féliciter de son adresse ; or, il se dit : je suis un misérable.

Enfin les idées de mérite et de démérite jterdent toute espèce de sens. Les punitions et les réconi|ienses deviennent absurdes, car quoi de plus absurde que d’êlre puni pour avoir été malheureux et récompensé, pour avoir su se rendre heureux ?

L’autre système de morale, celui que la philosophie uncienne avec Aristote et les Stoïciens, la philosophie moderne, avec Wolff, opjKisent au système du bonheur, c’est la morale dite de la perfection. Mais la morale de la |K.-ifeclion, si on l’examine de près, n’est qu’une forme raffinée de la morale de l’intérêt. Qu’est-ce en effet que la jierfeclion sinon le plein développement de l’être qui suffit à toutes ses fins ? Or atteindre ses fins, s’é|>anouir pleinement, n’est-ce pas l’intérêt