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FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS.

cept de la moralité toute vérité et toute valeur objective, on ne peut nier que la loi morale n’ait une portée assez étendue pour s’appliquer nécessairement non seulement aux hommes, mais encore à tous les êtres raisonnables en général et cela, non pas sous telle ou telle condition contingente, avec des exceptions possibles, mais d’une manière absolument nécessaire, il devient alors évident qu’aucune expérience ne peut nous donner l’occasion de conclure même à la possibilité de pareilles lois apodictiques. Car de quel droit pourrions-nous accorder un respect infini à ce qui n’a peut-être de valeur que dans les conditions contingentes de l’humanité, comme si c’était un précepte universel valable pour toute nature raisonnable ? Et comment les lois de la détermination de notre volonté pourraient-elles être considérées comme les lois de la détermination de la volonté de tout être raisonnable en général et comme n’ayant qu’à ce titre la valeur de lois pour notre volonté à nous, si elles étaient purement empiriques et si elles n’avaient pas a priori leur origine dans la raison pure mais en même temps pratique.

Aussi ne pourrait-on rendre à la moralité un plus mauvais service qu’en voulant la tirer d’exemples[1]. Car, quel que soit l’exemple que l’on me propose, il faut le juger d’abord d’après les principes de la moralité, pour savoir s’il est digne de servir d’exemple original, c’est-à-dire de modèle ; il est donc bien impossible d’en tirer comme d’un principe suprême le concept de la moralité. Même le Juste de l’Évangile doit être comparé à notre idéal de perfection morale avant d’être reconnu

    la fonder sur une expérience limitée à l’humanité.

  1. 3e argument : la preuve que l’on ne peut pas partir des faits particuliers, ou exemples, pour démontrer la loi morale, c’est que ces exemples, avant d’être utilises, doivent être jugés, et que ce jugement suppose un principe nécessairement antérieur à tout exemple.