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Page:Kant-Fondements de la métaphysique des moeurs, trad. Lachelier, 1904.djvu/90

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FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS.


totalité d’une série de conséquences en fait infinie. Mais cet impératif de la prudence, si on admettait la possibilité de déterminer exactement les moyens du bonheur, serait un principe pratique analytique. Il ne diffère en effet de l’impératif de l’habileté que sur un point, c’est que dans celui-ci le but est seulement possible, tandis que dans celui-là il est donné comme réel. Mais comme les deux impératifs ordonnent seulement les moyens à prendre pour atteindre un résultat que l’on suppose être voulu comme fin, l’impératif qui commande à celui qui veut la fin de vouloir les moyens, est dans les deux cas analytique. Il n’y a donc aucune difficulté en ce qui concerne la possibilité d’un impératif de ce genre.

En revanche, la question de savoir comment l’impératif de la moralité est possible, est indubitablement la seule qui réclame une solution 1[1]. En effet, cet impératif n’étant pas hypothétique, la nécessité objective qu’il nous présente ne peut s’appuyer sur aucune supposition, comme il arrive pour les impératifs hypothétiques. Il faut bien considérer ici que l’on ne peut démontrer par aucun exemple, c’est-à-dire par aucune expérience, qu’il y ait nulle part au monde un impératif de ce genre ; il ne faut pas, en effet, perdre de vue que tous ceux qui paraissent catégoriques, peuvent être des impératifs hypothétiques déguisés. Par exemple soit le précepte : Tu ne dois pas faire de promesse trompeuse, admettons que la nécessité de cette défense ne se réduise pas à un simple conseil à suivre pour éviter quelque autre mal, comme si l’on disait : Tu ne dois pas faire de promesses trompeuses afin de ne pas perdre ton crédit si ta déloyauté est dévoilée ; admettons qu’une action de ce genre doive être

  1. 1. Kant se pose la question suivante : L’impératif catégorique n’est pas un fait que l’on puisse établir par l’expérience (comme c’est un fait, par exemple, que tout le monde veut être heureux. Comment donc