Page:Kant-Mélanges de Logique (trad. Tissot), 1862.pdf/353

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presque conclure ce dernier point en voyant la notion de Dieu, telle que Spinoza la conçoit, établie comme la seule qui soit d’accord avec les principes de la raison[1], et cependant déclarée inadmissible. Bien que l’usage de la raison permette sans peine de concevoir que la raison spéculative n’est pas même en état

  1. On comprend à peine comment ces hommes instruits ont pu trouver dans la Critique de la raison pure un aliment pour le spinozisme. La Critique coupe entièrement les ailes au dogmatisme par rapport à la connaissance des objets sursensibles, et le spinozisme est ici tellement dogmatique qu’il dispute de rigueur démonstrative avec le mathématicien. La Critique prouve que la table des notions intellectuelles pures doit contenir tous les matériaux de la pensée pure ; le spinozisme parle de pensées qui cependant penseraient elles-mêmes, et par conséquent d’un accident qui n’en existerait pas moins en soi comme sujet : notion qui ne se trouve point dans l’entendement humain, et qui n’y peut entrer. La Critique montre qu’il ne suffit pas à beaucoup près qu’on puisse affirmer la possibilité d’un être, même pensé, pour qu’il n’y ait pas de contradiction dans la notion de cet être (quoiqu’il soit alors permis, s’il le faut absolument, d’admettre cette possibilité), tandis que le spinozisme prétend apercevoir l’impossibilité d’un être dont l’idée se compose de notions intellectuelles pures, qu’on a purgées de toutes conditions sensibles, où par conséquent toute contradiction est impossible, et ne peut cependant appuyer par rien cette prétention transcendante. Le spinozisme conduit donc tout droit au fanatisme. Il n’y a donc qu’un seul moyen infaillible de déraciner toute superstition fanatique, c’est de déterminer avec précision les limites de la raison pure. — Un autre savant trouve du scepticisme dans la Critique de la raison pure, quoique la Critique ait pour but précisément de poser quelque chose de certain et de déterminé par rapport à la circonscription de notre connaissance à priori. Il trouve également une dialectique dans les recherches critiques, qui ont cependant pour objet de résoudre et d’anéantir à jamais l’inévitable dialectique, où la raison pure, tant qu’elle est conduite dogmatiquement, se prend et s’enlace. Les néoplatoniciens, qui s’appelaient éclectiques, parce qu’ils savaient trouver partout leurs propres inepties, dans les auteurs plus anciens, mais à la condition de les y avoir mises, procédaient justement de la sorte ; il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil.