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KANT. — PÉDAGOGIE.


libre et en scolaire. La culture libre n’est en quelque sorte qu’un jeu, tandis que la culture scolaire est une affaire sérieuse. La première est celle qui a lieu naturellement chez l’élève ; dans la seconde, il peut être considéré comme soumis à une contrainte. On peut s’occuper en jouant, cela s’appelle occuper ses loisirs ; mais on peut aussi s’occuper par force, et cela s’appelle travailler. La culture scolaire sera donc un travail pour l’enfant, et la culture libre, un jeu.

On a esquissé divers plans d’éducation pour chercher, ce qui est en effet très-louable, quelle est la meilleure méthode d’éducation. Un a imaginé, entre autres, de laisser les enfants tout apprendre, comme dans un jeu. Lichtenberg, dans un numéro du Magasin de Gœttingue, se moque de l’opinion de ceux qui veulent qu’on cherche à tout faire faire aux enfants sous forme de jeux, tandis qu’on devrait les accoutumer de très-bonne heure à des occupations sérieuses, puisqu’ils doivent entrer un jour dans la vie sérieuse. Cela produit un effet détestable. L’enfant doit jouer, il doit avoir ses heures de récréation, mais il doit aussi apprendre à travailler. Il est bon sans doute d’exercer son habileté, comme de cultiver son esprit, mais ces deux espèces de culture doivent avoir leurs heures différentes. C’est déjà d’ailleurs un assez grand malheur pour l’homme que d’étre si enclin à la paresse. Plus il s’est livré à ce penchant, plus il lui est ensuite difficile de se décider à travailler.

Dans le travail l’occupation n’est pas agréable par elle-même, mais on l’entreprend en vue d’autre chose. L’occupation du jeu est agréable en soi, sans qu’on ait besoin de s’y proposer aucun but. Veut-on se promener, la promenade même est le but, et c’est pourquoi