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KANT. — PÉDAGOGIE.


sente pas lui-même, et le meilleur repos pour lui est celui qui suit le travail. On doit donc accoutumer l’enfant à travailler. Et où le penchant au travail peut-il être mieux cultivé que dans l’école ? L’école est une culture forcée[1]. C’est rendre à l’enfant un très-mauvais service que de l’accoutumer à tout regarder comme un jeu. Il faut sans doute qu’il ait ses moments de récréation, mais il faut aussi qu’il ait ses moments de travail. S’il n’aperçoit pas d’abord l’utilité de cette contrainte, il la reconnaîtra plus tard. Ce serait en général donner aux enfants des habitudes de curiosité indiscrète, que de vouloir toujours répondre à leurs questions : Pourquoi cela ? À quoi bon ? L’éducation doit étre forcée, mais cela ne veut pas dire qu’elle doive traiter les enfants comme des esclaves.

Pour ce qui est de la libre culture des facultés de l’esprit, il faut remarquer qu’elle continue toujours. Elle doit avoir particulièrement en vue les facultés supérieures. On cultivera en même temps les inférieures, mais seulement en vue des supérieures, l’esprit[2], par exemple, en vue de l’intelligence. La règle principale à suivre ici, c’est de ne cultiver isolément aucune faculté pour elle-même, mais de cultiver chacune en vue des autres, par exemple l’imagination au profit de l’intelligence.

Les facultés inférieures n’ont par elles seules aucune valeur. Qu’est-ce, par exemple, qu’un homme qui a beaucoup de mémoire, mais peu de jugement ? Ce n’est qu’un lexique vivant. Ces sortes de bêtes de somme du Parnasse sont d’ailleurs fort utiles ; car, si elles ne peuvent elles-mêmes rien produire de raisonnable, elles apportent des matériaux avec lesquels d’autres peuvent faire quelque chose de bon. — L’esprit ne fait