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L'ÉDUCATION DE L'INTELLIGENCE.


III.


L’ÉDUCATION DE L’INTELLIGENCE.


Cette éducation intermédiaire est encore physique, avons-nous dit avec Kant, en ce sens que ce sont des facultés naturelles qu’elle développe. La nature ne finit pas là où la liberté commence. Ce sont deux « règnes », sans qu’il soit vrai de dire deux règnes ennemis. L’intelligence est du règne de la nature. Mais la nature n’est pas toute matière, et la nature de l’intelligence est justement d’être indépendante de la nature matérielle qu’elle perçoit. Non qu’elle existe à vide, et qu’elle puisse en se développant faire sortir de son sein tout ce qu’elle doit savoir. li lui faut autre chose qu’elle-même pour qu’elle se révèle à elle-même, et c’est dans l’expérience qu’elle découvre ses propres formes qu’elle y a mises. Logiquement antérieure aux faits, elle est leur contemporaine dans la conscience ; l’a priori et l’a posteriori sont donnés ensemble dans la connaissance. — Cela est de la philosophie, et de la philosophie transcendentale. Mais voici comment la pédagogie traduit cette thèse en lois particulières et pratiques. Ne comptez pas que l’abstrait dans l’esprit se dégage peu à peu, et par une sorte de sélection, des sensations concrètes que vous y aurez entassées. L’abstrait est dans le concret, sans quoi il n’en jaillirait jamais, et jamais le multiple n’engendrerait l’unité. Les principes ne se font pas. Ils préexistent. Que votre enseignement n’aille donc pas lentement et timidement du particulier au général, mais qu’il imite mieux la nature. Si vous enseignez une langue, par exemple, n’attendez pas que les règles ressortent de l’usage. Elles ne ressortiraient pas du tout ; et vous n’auriez introduit dans l’esprit que multiplicité et confusion. D’autre part, les règles seules ne vous donneraient