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KANT. — PÉDAGOGIE.


patience, et ils en exigent plus d’eux qu’ils n’en ont eux-mêmes. Cela est cruel. Donnez à l’enfant ce dont il a besoin, et dites-lui ensuite : Tu en as assez. Mais il est absolument nécessaire que cela soit irrévocable. Ne faites aucune attention aux cris des enfants, et ne leur cédez pas, lorsqu’ils croient pouvoir vous arracher quelque chose par ce moyen ; mais ce qu’ils vous demandent amicalement, donnez-le leur, si cela leur est bon. Ils s’habitueront ainsi à être francs ; et, comme ils n’importuneront personne par leurs cris, chacun en revanche sera bien disposé pour eux. La Providence semble vraiment avoir donné aux enfants une mine riante, afin qu’ils puissent séduire les gens. Rien ne leur est plus funeste qu’une discipline qui les taquine et les avilit[1] pour briser leur volonté.

On leur crie ordinairement : Fi, n’as-tu pas honte, cela est indécent ! etc. Mais de telles expressions ne devraient pas se rencontrer dans la première éducation. L’enfaut n’a encore aucune idée de la honte et de la décence ; il n’a pas à rougir, il ne doit pas rougir, et il n’en deviendra que plus timide. Il sera embarrassé devant les autres et se cachera volontiers à leur aspect. De là naît en lui une réserve mal entendue et une fâcheuse dissimulation. Il n’ose plus rien demander, et pourtant il devrait pouvoir tout demander ; il cache ses sentiments, et il se montre toujours autrement qu’il n’est, tandis qu’il devrait pouvoir tout dire franchement. Au lieu d’être toujours auprès de ses parents, il les évite et se jette dans les bras des domestiques plus complaisants.

Le badinage et de continuelles caresses ne valent guère mieux que cette éducation taquine. Cela fortitie