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DE LA DOCTRINE DU DROIT.

deux introductions : l’une, à la métaphysique des mœurs en général ; l’autre, à la doctrine du droit en particulier. J’ai tiré de la première les considérations générales qui précèdent (1)[1] ; l’analyse de la seconde va nous introduire dans cette

    que jusque-là la vraie philosophie n’existait pas encore. Il y a eu sans doute plusieurs manières de philosopher, c’est-à-dire diverses tentatives pour établir le système de la philosophie, et toutes ces tentatives ontpu avoir leur mérite et leur utilité ; mais il n’y a qu’une seule manière de philosopher qui soit la bonne, qu’un seul système qui soit le vrai ; toute la question est de savoir si on l’a trouvé en effet. Malgré cette explication, je crois que le reproche adressé ici à Kant subsiste, et que, pour s’étendre à tout fondateur de système, il n’en reste pas moins juste. Comment un philosophe, si grand qu’il soit, peut-il prétendre qu’avant lui la philosophie n’existait pas, et qu’elle n’a commencé qu’avec lui ? J’accorde à Kant qu’il n’y a qu’une seule vraie philosophie ; mais je crois, avec Leibnitz, que les divers systèmes particuliers en représentent quelque côté, et, avec le XIXe siècle, que nul ne peut se flatter de l’embrasser tout entière. Kant conçoit la philosophie. comme un système dépendant d’un principe qui lui communique son unité. Or l’unité est sans doute la condition de toute forme systématique, et la forme systématique le caractère de toute science digne de ce nom ; mais la question serait de savoir si, en philosophie du moins, cette unité résulte d’un seul principe ou si elle n’est pas elle-même un tout complexe. — Enfin, la Préface répond à une objection qui contestait l’originalité de l’une des idées fondamentales de la philosophie critique : on prétendait avoir retrouvé presque mot pour mot dans un ouvrage du mathématicien Hausen, publié en 1734, une définition que le père de cette philosophie donnait pour une idée entièrement neuve et par laquelle il prétendait distinguer la métaphysique des mathématiques. Comme il s’agit là de l’un des points les plus difficiles de la philosophie kantienne, et qu’il est d’ailleurs tout à fait en dehors du sujet qui va nous occuper, ce n’est pas ici le lieu de nous y arrêter.

  1. (1) Outre ces considérations générales, Kant consacre deux chapitres de cette introduction, le Ier et le IVe, à des définitions qui doivent servir de prolégomènes à la métaphysique des mœurs. Tel est le titre même qu’il donne au second de ces deux chapitres (p. 29-40) ; le premier est intitulé : Du rapport des facultés de l’âme humaine aux lois morales (p. 13-19). Comme ces définitions préliminaires ne sont pas sans importance, quoique j’aie cru devoir les détacher pour hâter et simplifier la marche des idées, je vais les reprendre ici et les examiner brièvement ; aussi bien ai-je à cœur de ne négliger dans cette analyse critique aucune partie de l’œuvre de Kant. Il commence par rappeler une définition, qu’il a déjà plus d’une fois exposée (V. la Critique de la raison pratique, Préface, trad. franç., p. 139, et la Critique du Jugement, Introduction, III, trad. franç., p. 23), celle de la faculté de désirer (en allemand Begehrungsrermœgen) : c’est, selon lui (p. 13), la faculté de causer, au moyen de certaines représentations, les objets de ces représentations mêmes. « La vie, ajoute-t-il, est la propriété qu’a un être d’agir conformément à ses repré-