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DE LA DOCTRINE DU DROIT.


fonde l’égalité naturelle entre tous les hommes, car c’est elle qui fait que nul ne peut être contraint par les autres à rien qu’il ne puisse exiger d’eux à son tour. C’est elle qui fait que l’homme est son propre maître, sui juris, ou qu’il peut se gouverner comme bon lui semble, pourvu qu’il respecte le même droit dans les autres. C’est d’elle enfin que dérive la faculté de faire à l’égard des autres tout ce qui ne porte pas atteinte à leur propre liberté, de leur communiquer ses pensées, etc. Tous ces droits sont déjà contenus dans celui de la liberté naturelle. Il n’y a donc pas là de division essentielle à établir : en fait de droit inné, il n’y a point, à proprement parler, des droits, mais un droit. On peut bien, pour résoudre avec plus de commodité les cas litigieux, le spécifier suivant ses diverses applications ; mais au fond il n’y a qu’un seul et même droit inné : à savoir la liberté inhérente à la personnalité humaine. C’est pourquoi aussi Kant pense qu’on peut renvoyer aux prolégomènes de la doctrine du droit ce qui regarde le droit inné, pour ne s’occuper dans cette doctrine même que du droit acquis, ou du mien et du tien extérieurs, la seule espèce de droit qui puisse donner lieu à une division systématique.

Droit acquis privé et public.

La première division à y introduire est celle du droit privé et du droit public. On divise quelquefois le droit naturel en droit naturel proprement dit et droit social ; mais, comme Kant le remarque fort justement 1[1], cette division n’est pas exacte. En effet ce qui est opposé à l’état de nature, ce n’est pas l’état social, car l’état de nature est lui-même un état de société ; c’est l’état civil ou politique, c’est-à —dire l’état d’une société régie par des lois et des pouvoirs publics, d’une société civilement ou politiquement constituée. Par conséquent ce qu’il faut opposer au droit naturel proprement dit, c’est-à dire au droit considéré au point de vue de la société naturelle, ce n’est pas le droit social, mais le droit civil, c’est-à —dire le droit qui gouverne la société politique. Le premier est le droit privé ; le second, le droit public. Droit privé et droit public, telle est donc la division générale que Kant va suivre dans la doctrine du droit, où nous entrons maintenant avec lui (2)[2].

  1. 1 P. 61.
  2. (2) Ainsi, pour embrasser d’un seul coup dVil les divisions établies