Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/500

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suffrage des citoyens, il n’y a rien de plus naturel qu’ayant à décréter contre eux-mêmes toutes les calamités de la guerre, ils hésitent beaucoup à s’engager dans un jeu si périlleux (car il s’agit pour eux de combattre en personne ; de payer de leur propre avoir les frais de la guerre ; de réparer péniblement les dévastations qu’elle laisse après elle ; enfin, pour comble de maux, de contracter une dette nationale, qui rendra amère la paix même et ne pourra jamais être acquittée, parce qu’il y aura toujours de nouvelles guerres). Au lieu que, dans une constitution où les sujets ne sont pas citoyens, et qui par conséquent n’est pas républicaine, une déclaration de guerre est la chose la plus aisée du monde, puisque le souverain, propriétaire et non pas membre de l’État[ndt 1], n’a rien à craindre pour sa table, sa chasse, ses maisons de plaisance, ses fêtes de cour, etc., et qu’il peut la décider comme une sorte de partie de plaisir, pour les raisons les plus frivoles, et en abandonner indifféremment la justification, exigée par la bienséance, au corps diplomatique, qui sera toujours prêt à la fournir.

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Pour que l’on ne confonde pas (comme on le fait communément) la constitution républicaine avec la démocratique, je dois faire les remarques suivantes. Les formes d’un État (civitas) peuvent être divisées, soit d’après la différence des personnes qui jouissent du souverain pouvoir, soit d’après la manière dont le peuple est gouverné par son souverain, quel qu’il soit. La première est proprement la forme de la souveraineté[ndt 2] (forma imperii), et il ne peut y en avoir que trois : en effet, ou bien un seul, ou bien quelques-uns unis entre eux, ou bien tous ceux ensemble qui constituent la société civile possèdent le souverain pouvoir (autocratie, aristocratie et démocratie, pouvoir du prince, pouvoir de la noblesse et pouvoir du peuple). La seconde est la forme du gouvernement (forma regiminis) ; elle concerne le mode, fondé sur la constitution (sur l’acte de la volonté générale, qui fait d’une multitude un peuple), suivant lequel l’État fait usage de sa souve-

  1. Nicht Staatsgenosse, sondern Staatseigenthümer.
  2. Die form der Beherrschung.