Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/504

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montre à nu dans les libres relations des peuples entre eux (tandis que dans l’état civil elle est très voilée par l’intervention du gouvernement), il y a lieu de s’étonner que le mot droit n’ait pas encore été tout à fait banni de la politique de la guerre comme une expression pédantesque, et qu’il ne se soit pas trouvé d’État assez hardi pour professer ouvertement cette doctrine. Car, jusqu’à présent, on a toujours cité bonnement, pour justifier une déclaration de guerre, Hugo, Grotius, Puffendorff, Vattel et autres (tristes consolateurs), quoique leur code, rédigé dans un esprit philosophique ou diplomatique, n’ait ou ne puisse avoir la moindre force légale (puisque les États ne sont pas soumis, comme tels, à une contrainte extérieure et commune) ; mais il est sans exemple qu’un État se soit décidé, par des arguments appuyés sur des autorités aussi respectables, à se désister de ses prétentions. — Toutefois cet hommage que chaque État rend à l’idée du droit (du moins en paroles) ne laisse pas de prouver qu’il y a dans l’homme une disposition morale, plus forte encore, quoiqu’elle sommeille pour un temps, à se rendre maître un jour du mauvais principe qui est en lui (et qu’il ne peut nier). Autrement les États qui veulent se faire la guerre ne prononceraient jamais le mot droit, à moins que ce ne fut par ironie, et dans le sens où l’entendait ce prince gaulois, en le définissant : « l’avantage que la nature a donné au plus fort de se faire obéir par le plus faible. »

Les États ne peuvent jamais, pour défendre leur droit, engager un procès, comme on fait devant un tribunal extérieur, et ils n’ont d’autre recours que la guerre ; mais la guerre et le succès de la guerre, la victoire, ne décide pas le moins du monde la question de droit ; et, si par un traité de paix on met fin à la guerre actuelle, on ne met pas fin pour cela à l’état de guerre (pour lequel on peut toujours trouver quelque nouveau prétexte, que nul n’est fondé à déclarer injuste, puisque dans cet état chacun est juge en sa propre cause). D’un autre côté, il n’en est pas du droit des gens relativement aux États comme du droit naturel relativement aux individus qui vivent sans loi et qu’il oblige « à sortir de cet état » (puisque les États ont déjà en eux une constitution juridique, et que par conséquent ils échappent à toute contrainte de la part de ceux qui voudraient les soumettre, d’après leurs idées de droit, à une constitution juridique plus étendue). Cependant la raison, du haut de son