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DE L'INTELLIGENCE

qui passent pour sages chez un peuple encore grossier) n’est que pauvreté de notions et par conséquent d’expressions pour les rendre. Quand, par exemple, le sauvage américain dit : « Nous voulons enterrer la hache d’arme, » c’est comme s’il disait : Nous voulons faire la paix. Et, en réalité, les anciens poèmes, depuis Homère jusqu’à Ossian, et depuis Orphée jusqu’aux Prophètes, ne doivent l’éclat de leur forme qu’à la pénurie de moyens propres à exprimer leurs notions. Prendre les phénomènes cosmiques réels qui se présentent aux sens (comme le fait Swedenborg) pour un pur symbole d’un monde intelligible qui s’y trouverait caché, c’est mysticisme. Mais distinguer dans les expositions des notions (appelées idées) relatives à la morale, qui est l’essence de la religion, par conséquent à la raison pure, le symbolique de l’intellectuel (le culte d’avec la religion), expositions qui sont sans doute utiles et nécessaires pendant un certain temps, distinguer, disons-nous, l’enveloppe d’avec la chose, c’est explication. Autrement, en effet, un idéal (celui de la raison pratique pure) serait donné pour une idole, et là le but ultérieur serait manqué. — Que tous les peuples de la terre soient tombés dans cette erreur, et cela pas suite de la manière dont leurs docteurs mêmes ont réellement compris leurs livres sacrés, c’est-à-dire en les prenant à la lettre, au lieu de les entendre symboliquement, sous prétexte qu’il y aurait mauvaise foi à donner aux mots un sens détourné, c’est ce qu’on ne saurait nier. Mais s’il s’agit, non plus simplement de la véracité du docteur, mais encore,