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DE L'INTELLIGENCE


tendre les autres. Penser c’est parler avec soi-même (les Indiens d’Otahïti appellent la pensée : la parole dans le ventre) ; c’est donc aussi une manière de s’entendre intérieurement (par l’imagination reproductive). Le muet de naissance a pour langage une sensation du jeu de ses lèvres, de sa langue et de sa mâchoire, et l’on conçoit à peine que sa parole soit autre chose qu’un jeu de sensations corporelles, sans idées ni pensées proprement dites. — Mais aussi ceux qui peuvent parler et entendre ne s’entendent cependant pas toujours eux-mêmes ou les autres ; et grâce au défaut de la faculté de signifier, ou à l’usage vicieux qui en est fait (puisqu’on prend des signes pour des choses, et réciproquement), surtout en matière de raison pure, des hommes qui sont d’accord sur les mots diffèrent totalement sur les notions ; ce qui ne s’aperçoit qu’occasionnellement, lorsque chacun agit d’après les siennes propres.

II. Pour ce qui est des signes naturels, le rapport des signes aux choses signifiées est, quant au temps, ou démonstratif, ou remémoratif, ou de prévision.

Le pouls indique au médecin l’état fiévreux actuel du patient, comme la fumée indique le feu. Les réactifs indiquent au chimiste les matières invisibles qui sont en dissolution dans l’eau, comme la girouette indique le vent, etc.

Mais on ne sait dans beaucoup de cas si la rougeur indique la conscience de la faute, ou plutôt un sentiment délicat d’honneur, ou seulement la demande de quelque chose à endurer dont on aurait honte.