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COMPARAISON DES FACULTÉS DE CONNAITRE.

La ruse, le génie de l’intrigue, est souvent regardée comme une intelligence supérieure, quoique mal employée ; mais ce n’est en réalité que la façon de penser’d’hommes très bornés, et fort différente de la prudence, dont elle n’a que les dehors. On ne peut tromper qu’une fois un homme loyal, tandis que cette supercherie nuira toujours au dessein de celui qui en fait usage.

Celui qui est appelé par sa position de subordonné dans la famille ou dans l’Etat à exécuter des ordres, n’a besoin que d’entendement ; mais l’officier qui ne reçoit que des instructions générales concernant sa mission, doit avoir, en outre, du jugement pour décider de ce qu’il faut faire dans un cas donné ; le général qui doit juger les cas possibles, et se poser des règles en conséquence, a besoin de raison. — Les talents nécessaires à l’accomplissement de ces différentes mesures sont très divers :


 « Tel brille au second rang qui s’éclipse au premier. »


La subtilité n’est pas l’entendement, et poser pour la montre, comme le faisait Catherine de Suède, des maximes qui sont contredites par la pratique, ce n’est pas être raisonnable. — Il en est de ces maximes et de cette conduite comme de la réponse du comte de Rochester au roi Charles 11 d’Angleterre, qui, le voyant plongé dans une profonde méditation, lui dit : Qu’est-ce que vous méditez donc si profondément ? — Je fais l’épitaphe de Votre Majesté. — Voyons ? — Ici repose le roi Charles II, qui dit beaucoup de