Page:Kant - Anthropologie.djvu/172

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Car encore bien que tous les enfants d’une union soient exempts de ce triste héritage, parce qu’ils tiennent tous par exemple du père ou de ses parents et ancêtres, on voit cependant, quand la mère n’aurait eu dans sa famille qu’un seul enfant aliéné (quoique elle-même ne fût pas atteinte de ce mal), qu’un enfant de ce mariage tient de la famille maternelle (comme on peut l’observer également pour les traits de la figure), et porte en soi une aberration héréditaire.

On cherche souvent à donner une cause contingente à cette maladie, de manière à la faire concevoir non héréditaire, mais accidentelle, comme si l’infortuné en était cause. « Il est devenu fou par amour, » dit-on de l’un ; « la tête lui a tourné d’orgueil, » dit-on de l’autre ; et d’un troisième : « il s’est trop appliqué. » — La passion pour une personne de telle condition qu’il y a sottise extrême à la demander en mariage, n’était pas la cause de la folie, elle en était l’effet. Pour ce qui est de l’orgueil, il suppose à un homme de rien la prétention de faire abaisser les autres devant lui, et le fait de se pavaner à son égard est dû à une folie sans laquelle il ne serait pas tombé dans ce travers.

Quant à l’excès d’application[1], il n’y a pas néces-

  1. Que des marchands se surmènent et se perdent l’esprit dans des spéculations très compliquées, cela se voit souvent. Mais pour l’excès d’application chez les jeunes gens (si d’ailleurs ils ont la tête saine), des parents attentifs n’ont rien à redouter : la nature met déjà bon ordre d’elle-même à cette accumulation de savoir, en donnant à l’étudiant de l’aversion pour les choses dont il s’est vainement cassé la tête.