Page:Kant - Anthropologie.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

passionné s’entend). — Pourquoi le travail est-il la meilleure manière de jouir de la vie ? Parce que c’est une occupation pénible (désagréable en soi et qui n’a de charmes que dans ses conséquences), et que le repos, résultant de la simple cessation d’une longue fatigue, cause un plaisir sensible, un bien-être véritable. — Le tabac (fumé ou prisé) produit d’abord une sensation désagréable. Mais précisément parce que la nature (par suite de la sécrétion des membranes du palais ou du nez) fait disparaître instantanément cette petite douleur, le tabac (surtout le tabac à fumer) devient une espèce de société, en ce qu’il entretient et toujours excite des sensations et même des pensées, alors même que ces pensées ne sont en ce moment que vagabondes. — Bien qu’enfin aucune douleur positive ne porte à l’action, une douleur négative, le loisir prolongé, comme état vide d’une sensation que l’homme est habitué à voir changer, lorsqu’il cherche cependant à en faire le mobile de sa vie, l’affecte souvent à un tel point qu’il se sent plutôt porté à faire quelque chose de nuisible pour lui-même, que de rester absolument oisif.

§ LX.

Du temps long et du temps court.

Se sentir vivre, jouir, n’est autre chose que de se sentir continuellement forcé de sortir de l’état présent (qui doit être par conséquent une douleur si souvent renaissante). Par là s’explique également