Page:Kant - Anthropologie.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DES ÉMOTIONS ET DE LA PASSION. 215

porte seulement le sujet à sortir de son état présent, sans savoir lequel prendre, peut s’appeler un vœu capricieux (que rien ne satisfait). L’inclination peu ou point disciplinable par la raison du sujet est passion. Le sentiment d’un plaisir ou d’une peine actuelle, qui ne permet pas dans le sujet la réflexion (la représentation rationnelle si l’on doit s’y abandonner ou y résister), est l’émotion. C’est toujours une maladie de l’âme que d’être sujet aux émotions et aux passions, parce que dans les deux cas la raison est sans empire. Même degré de violence de part et d’autre. Mais il y a une différence essentielle pour la qualité entre ces deux états de l’âme, tant pour la manière de les prévenir que pour celle de les guérir; ce qui serait l’affaire du médecin spirituel.

§ LXXIII.

De l’opposition des émotions et de la passion.

L’émotion est une surprise de l’âme par la sensation, qui ôte l’empire sur soi-même {animus sui compos). Elle est donc précipitée, c’est-à-dire qu’elle s’élève rapidement à un degré tel de sentiment que la réflexion en devient impossible (il y a étourderie). — L’absence d’émotion, sans du reste qu’il y ait diminution de la force des mobiles d’action est le flegme, dans la bonne acception du mot; ce qui constitue cette qualité de l’homme courageux (animi strenui) de ne point se laisser priver de la réflexion par la violence des émotions.